Histoire dessinée de la France – L’enquête gauloise de Massilia à Jules César

Auteurs : Jean-Louis Brunaux (Scénario) / Nicoby (Dessin) / Cécily De Villepoix (Couleurs)

Editions la Découverte

Commencé en 2017, l’Histoire dessinée de la France, série dirigée par l’historien Sylvain Venayre, renouvelle le genre avec brio et un souci de la vulgarisation rarement remarqué dans ce genre de projet. On connait plusieurs collections qui ont raconté l’histoire de France en Bande dessinée en faisant la part belle au roman national, aux grandes figures et aux épisodes mythiques de la France éternelle. Ici, rien de tout cela, chaque tome est l’œuvre d’une ou un auteur chevronné de bande dessinée associé à un ou une chercheuse reconnue pour son expertise et sa faculté transmettre.

L’enquête gauloise est le second volume de la collection paru en novembre 2017. Le dessinateur Nicoby est associé à Jean-Louis Brunaux, le meilleur connaisseur des mondes gaulois.

Ce passionnant album est placé sous le signe de la chasse aux mythes. Partant d’Astérix et des clichés hilarants et géniaux qui font le sel des aventures du petit Gaulois, les auteurs, après avoir rendu hommage à Goscinny et Uderzo, partent à la recherche puis à la découverte des gaulois véritables. Pour y parvenir ou plutôt, approcher le Gaulois au près possible, les écueils ne manquent pas. Le principe narratif est simple et classique : un spécialiste érudit et pédagogue dialogue avec un amateur qui pose des questions et met en avant les clichés habituels associés au Gaulois.

Reprenant le principe d’une exposition du MuséoParc d’Alesia, les auteurs prennent en exemple la série de Goscinny et d’Uderzo pour citer les lieux communs véhiculés sur la culture gauloise. Si beaucoup d’informations contenues dans Asterix sont exactes, d’autres sont issues de connaissances qui étaient accessibles dans les années soixante et des représentations véhiculées par l’art pompier du XIXe siècle.
Quoi de mieux qu’une bonne leçon de géographie pour commencer une leçon d’histoire et pour comprendre la répartition des peuples, leurs mouvements ou les enjeux territoriaux et commerciaux.

Partant des origines des habitants de ce qui n’est pas encore la Gaule, l’historien rappelle les liens entretenus par les peuples autochtones avec les Grecs fondateurs de Massilia. Dès cette période, le commerce est florissant. Des routes se créent, des produits s’échangent. Minerais, esclaves, fourrures, ambre, outils s’échangent rapidement entre le nord et le sud. Pour bien faire comprendre leur propos, Brunaux et Nicoby jouent beaucoup avec la géographie associée à des repères chronologiques important. Grâce à ce système, le lecteur est guidé pas à pas pour saisir qui étaient les Gaulois, d’où ils venaient et où ils allaient. Les guerres victorieuses des Gaulois contre Rome y figurent en bonne place comme le rappel de leur arrivée au sanctuaire de Delphes en Grèce.

Suit un long chapitre qui reprend un à un les gimmick asterixiens pour mieux soit les démonter soit expliquer pourquoi l’histoire populaire les a retenus. Menhir, sanglier, moustache, rapports avec les Romains, la perpétuation de ces idées est possible car les Gaulois n’ont pas laissé de traces écrites. Si ils maitrisaient l’écriture, notamment grâce aux Grecs de Massilia, les druides en ont interdit la pratique pour éviter la diffusion du savoir et des idées qui auraient pu nuire à leur pouvoir. Outre les sources archéologiques, la connaissance des Gaulois nous vient donc de textes écrits par des Romains ou des Grecs qui les ont côtoyés et qui en ont donné une image biaisée mais indispensable pour accéder aux coutumes, à la façon de vivre de nos ancêtres. D’ailleurs, la question est posée dans l’Enquête gauloise : les Gaulois sont-ils vraiment nos ancêtres. La réponse est à la page 28, elle est surprenante.

En cinq chapitres, Jean-Louis Brunaux montre toute richesse et le raffinement la civilisation gauloise. Il revient sur son organisation sociale et politique, la place des femmes, des enfants ou la maitrise de l’artisanat et de l’élevage. Il n’oublie pas d’évoquer les têtes coupées conservées par les guerriers après la bataille et la défaite de leurs ennemis.

L’Enquête se termine par une affirmation étonnante « La guerre des Gaules n’a pas eu lieu ». Au pied de la statue de Vercingétorix qui domine le champ de bataille d’Alésia, Jean-Louis Brunaux et son acolyte se retrouvent pour évoquer La Guerre des Gaules de César. L’historien met le doigt sur les incohérences, les approximations de César pour apparaitre en majesté. Après avoir vaincu les Helvètes, les Romains alliés aux Eduens contrôlent déjà la majeure partie du territoire. Les peuples gaulois se sont placés d’eux-mêmes sous sa protection. La suite de la Guerre des Gaules est essentiellement une série d’actes diplomatiques avec les Belges très remuants, les Rèmes ou les Bellovaque qui rentrent les uns après les autres dans le giron romain. Arrive alors Vercingétorix. Avant de devenir le héros guerrier que nous croyons connaitre, l’homme est un prince à qui César a promis la direction d’une cité mais les choses trainent et les jeunes princes s’impatientent. La rébellion s’organise : Carnutes, Parisii, Arvernes, Senons et Bituriges affrontent les légions jusqu’à Alésia…où Vercingétorix est défait plus par défection de ses alliés que par la puissante romaine. Mais comme le dit Jean-Louis Brunaux « Les Gaulois se sont plus donnés à César que lui ne les a pris. Beaucoup d’entre eux n’avaient pas envie de combattre Rome, ils préféraient s’allier aux Romains ».

C’est donc le début de la culture gallo-romaine.

Quoi de mieux qu’une bonne leçon de géographie pour commencer une leçon d’histoire et pour comprendre la répartition des peuples, leurs mouvements ou les enjeux territoriaux et commerciaux.